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Grand Raid : Hommage à Guus Smit, décédé pendant la course 2002
”Ce furent les deux plus beaux jours de sa vie”
Le sentier qui monte de Grand îlet à la Roche écrite (Saint-Denis) est toujours fleuri à cette époque. Les agents forestiers ont coupé les herbes en prévision du Grand raid 2003 qui verra plus de 2 000 furieux dépasser leurs limites pour atteindre le sommet. Mais hier, quelque part dans la partie haute du sentier sous le plateau de la Roche écrite, quelques organisateurs de la Diagonale des fous, des coureurs, des bénévoles, des secouristes et Kees Smit, le frère de Guus Smit, se sont retrouvés pour inaugurer une stèle en l’honneur du coureur décédé lors d’une chute mortelle pendant la course 2002.
J’entends toujours son cri de mort
Cérémonie simple. Quelques paroles, des témoignages de coureurs et de secouristes, quelques larmes, discrètes. On se serre : le sentier est très étroit. Kees Smit allume une bougie au pied de la stèle, accroche solidement une photo de Guus sur le monument commémoratif. Par magie, on entend à ce moment là les cloches de Grand îlet sonner, comme autant de coups de gong discrets. Puis Kees Smith pend la parole : “Le Grand Raid était un cadeau pour mon frère. Il avait travaillé dur pour pouvoir venir. Nous avons récupéré les photos qu’il a faites avant d’arriver à Grand îlet. Il avait l’air en bonne forme, heureux même. Je pense que ce furent les deux plus beaux jours de sa vie.” Guus Smit avait 34 ans. Il avait rédigé des tas de projets pour les vingt années à venir. Mais sa vie s’est arrêtée là, dans ce rempart, en essayant de doubler un concurrent à la peine.
On évoque la fatalité des chutes en montagne. Effectivement la montagne, comme la mer, sont des milieux hostiles dans lesquels la mort n’est jamais très loin. J’étais derrière lui dans la course, quelques minutes plus loin. Nous peinions tous pour atteindre le sommet, concentrés sur chaque effort à faire. Chaque pas supplémentaire était une petite victoire en soi. Soudain, un cri effroyable a déchiré l’air sans que je n’y prête d’abord attention. En continuant mon ascension, j’ai découvert un coureur paniqué, des secouristes qui descendaient à toute vitesse sur les lieux de l’accident. Et puis le ladi lafé sur les postes de ravitaillement. Et cette impression de dégoût.
Longtemps après la course, j’ai encore entendu le cri de sa mort. Il m’a suivi, poursuivi. Hanté. Je me suis senti affreusement coupable d’avoir machinalement continué la course alors qu’il était en danger de mort à moins qu’il ne fut déjà mort. Je m’en suis voulu d’avoir très activement participé à l’organisation de cette course qui a vu deux de ses concurrents perdre la vie. Dégoûté, fini, plus jamais ça.
Et puis voilà que Kees Smit affirme que ce furent les deux plus beaux jours de son frère Guus. C’est pour cela qu’il y aura encore un Grand Raid cette année, que certains trouveront le plaisir d’y participer et d’autres celui de l’organiser. Mais Guus continue aussi à crier dans le rempart de la Roche écrite.
Fabien Laroche
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